L'origine de Tokyo Decadance :
C’est l’ex Drag Queen français Adrien Le Danois qui crée le concept Tokyo Decadance le 14 octobre 2005. Le projet traduit son envie de réunir toutes les tribus japonaises en une même soirée. Si le fait de vivre son excentricité est répandu au pays du Soleil Levant, il est cependant extrêmement rare de voir ces différentes tribus se mélanger. Tokyo Decadance est devenu le premier collectif d’artistes japonais hétéroclite et unificateur, réunissant une cinquantaine de performeurs, DJ’s, égéries drag, chanteur d’opéras gothiques, harpiste électrique, clown de l’espace, gogo danseuses. Et ce dans tous les styles, que ce soit lolitas, club-fetish, goths, jet-setters, salary men, visual kei, fashionistas, ou encore clubbers…
Connaissant un succès croissant, le concept Tokyo Decadance s’est exporté dans près de 10 pays européens, en Russie et en Amérique du Nord. Une large présence des médias et un intérêt grandissant pour la culture japonaise font d’eux les représentants des différentes cultures de la jeunesse nippone. On croise dans ces soirées pluriculturelles toutes les tribus japonaises gravitant autour de la troupe pour des happenings de toutes sortes, des interludes érotiques, des shows déroutants… Les soirées TD, c’est une sorte d’univers parallèle peuplé d’étranges créatures aux costumes extraordinaires, un univers dans lequel les limites du bien et du mal s’effacent, les codes et les dress codes disparaissent, où se côtoient perversité noire et candeur rose bonbon, sexe et humour, grandeur et decadance…
INTERVIEW D’ADRIEN DES TOKYO DECADANCE :
Stéphane Hervé : Pour beaucoup, Tokyo Decadance, c’est une soirée, du club, des groupes lives, beaucoup de tribus. Qu’est ce que c’est pour toi Tokyo Decadance ? Comment expliquerais-tu aux gens comment on peut définir Tokyo Decadance ?
Adrien : Pour moi Tokyo Decadance, c’est avant tout une envie sociale. J’ai voulu rassembler des gens avant de faire une soirée. Et en cherchant de quelle manière je pouvais rassembler ces gens, l’idée de la soirée est venue assez rapidement vu que c’est un peu mon milieu depuis l’âge de 13-14 ans, âge où j’ai commencé à traîner dans le milieu de la nuit.
S : Pourquoi Tokyo ? Pourquoi avoir fait Tokyo Decadance et pas Paris Decadance ? Qu’est ce qui t’a plu dans l’envie de faire une soirée et de mélanger les gens à Tokyo ?
A : Si j’ai fait Tokyo Decadance à Tokyo, c’est d’abord parce que j’habite à Tokyo et pas en France. J’ai décidé de partir de France et en plus d’habiter à Tokyo, ce sont deux choses différentes. Et parce que la population japonaise est beaucoup plus riche que la population parisienne dans le sens vestimentaire, style, personnalité... Bien sûr, tout est extérieur, donc superficiel mais pour moi il n’y a rien de plus naturel que le superficiel.
Je pense que, dans la nature, les hommes se mettaient du maquillage sur le visage, et que, comme c’est dans la nature, c’est naturel. Alors que dans notre société, ce n’est pas accepté comme tel : une envie d’être autre chose qu’un être humain ou d’être plus joli que ce que l’on est.
S : Peux-tu m’expliquer comment est né, tout simplement, Tokyo Decadance et comment ces personnages principaux sont arrivés à devenir des personnages essentiels du coeur de Tokyo Decadance?
A : J’ai commencé Tokyo Decadance sans le vouloir. J’ai organisé l’anniversaire d’un ami qui partait du Japon, je ne comptais pas vraiment retourner dans le milieu de la nuit. J’ai voulu faire une soirée dans un magasin de « Gyoza », assez connu au Japon (ndlr : bouchée fourrée chinoise faite en pâte de riz), ils les préparent à la main et tous ces ingrédients qui se mélangent, cela m’a donné envie de mettre quelques platines et de mixer. De là est revenue mon envie de faire des soirées, mais cela a mis un an avant que j’assume d’où je vienne : de la nuit, du club. Bon bien sûr, je viens de Normandie aussi avant tout ... (rires)
S : Quand tu as commencé à faire ces premières soirées, comment ce sont intégrés des gens comme Coco, comme Selia, comme Sisen ?
A : En fait les gens se sont intégrés au fur et à mesure de l’histoire Tokyo Decadance. Coco est arrivée avant Tokyo Decadance, quand je faisais ces soirées dans les restaurants qui se transformaient de plus en plus en clubbing, cela prenait une véritable ampleur. Tous les dimanches, les gens venaient pour manger soi-disant, mais ça finissait plus en beuverie totale et en soirée club. C’est là que j’ai rencontré Coco puis on m’a présenté Sisen. Quand j’ai fait la toute première Tokyo Decadance, Sisen est venu à la soirée en tant que client, il avait été attiré par le flyer qui disait qu’il fallait mélanger les genres. C’est une des seules personnes qui m’ait dit ça en 3 ans ! Il a assumé le fait de venir pour se mélanger. Si le concept Tokyo Decadance est enfin compris au Japon, les gens ne viennent pas forcément pour ça. Ou peut être inconsciemment.
S : Tu as commencé Tokyo Decadance comme une soirée tokyoïte. Aujourd’hui tu as traversé quasiment toute l’Europe, bientôt le monde, qu’est ce qui fait pour toi que Tokyo Decadance est quelque chose d’universel ?
A: Je pense que le concept Tokyo Decadance plait partout dans le monde parce que nous n'avons pas de rivaux, et que dans le « mainstream », il n'y a pas grand-chose de nouveau. En dix ans, il y a eu le hip hop, il y a aussi eu la techno mais elle n'est pas tant « mainstream » que ça. Alors qu'au japon, ils ont des milliers d’idées. Moi j'en découvre encore tous les jours, c'est hyper passionnant.
C'est aussi très important de faire la fête. C'est quelque chose que l'on a oublié... En France, on a tendance à penser que la fête est superficielle, et moi j'ai tendance à penser qu'il n'y a rien de plus superficiel que de ne pas assumer le côté superficiel de l'humain. Donc, oui, la fête est quelque chose d'excessivement important.
S: Vous avez fait des spectacles qui sont divers et variés pour Tokyo Decadance. Comment pourrais-tu nous décrire l'intérieur de Tokyo Decadance?
A: J'essaie de regrouper les extrêmes du Japon. Le Japon est un pays qui représente toujours deux extrêmes, il y a toujours le yin et le yang. S'il y a un show SM, il faut qu'il y ait un côté un peu niais, un côté un peu plus enfantin. S'il y a un show violent, il faut un show avec plus de douceur. J'essaie de retrouver un équilibre en fait à travers les déséquilibrés (rire).
S: Et musicalement?
A: Musicalement, c'est pareil. Normalement, on commence avec de la musique élèctro un peu adulte et avec de l'industrielle gothique qui est pour moi un peu plus enfantine. C'est quand même des ondes beaucoup plus simples à comprendre et beaucoup plus enfantines pour moi, alors que l'éléctro a des sons beaucoup plus travaillés et plus fins. Je trouve ça intéressant, cet équilibre entre cette jeunesse un peu inconsciente et le côté éléctro un peu intellectualisé de cette musique.
S: Donc avant tout, c'est amener de la variété? C'est surprendre?
A: Oui, c'est amener de la variété, surprendre, faire le maximum. Parce que les gens veulent être surpris, mais ne l'assument pas forcément.
S: Cette variété, est-ce que c'est aussi ce que tu essaies de défendre maintenant avec cette Tokyo Tendance (ndlr : Une soirée de concerts rassemblant des groupes japonais que la Tokyo Decadance aime et souhaite présenter à l'étranger.), c’est-à-dire, apporter des choses diverses et variées de la culture japonaise telle que tu la connais et telle que peut la développer Tokyo Decadance?
A: Dans Tokyo Tendance, j'essaie de ramener des choses que je ne peux pas forcément ramener dans Tokyo Decadance. J'essaie d'être le plus éclectique possible, de me donner encore plus de latitudes.
S: Aujourd'hui, est ce que tu pourrais nous parler des envies de Tokyo Decadance sur l'avenir. Comment as-tu envie de surprendre avec Tokyo Decadance?
A: À travers la soirée, je voudrais essayer de refaire ce que j'ai fait au Japon et que je n'ai pas encore réussi à faire en Europe. Par exemple, au Japon, on a une soirée où tu rencontres des personnes SM, des personnes qui ont 70 ans et qui s'habillent en jeunes filles et ainsi de suite... Ce que j'ai envie de faire, c'est de trouver un moyen de choquer les gens, faire des choses inattendues, aussi fortes que ce que j'ai vu à une certaine époque en France. Les soirées de David Guetta ou Tony Gomez (ndlr: directeur du Queen) m'ont surpris. Par exemple, sur une gay-pride, Tony Gomez est arrivé sur un éléphant avec derrière lui, toute une tripotée de danseuses brésiliennes, on ne s'y attendait pas du tout ! Il devait arriver tout simplement pour une interview, et il est arrivé carrément sur un éléphant ! Un éléphant qui sera peut-être à la prochaine Tokyo Decadance? (rire)…
S: Peux-tu nous donner quelques influences des Tokyo Decadance?
A: Pour moi, l’aspect de la culture japonaise qui m'inspire le plus, c'est clairement la culture de la rue. Ce sont les gens que je rencontre dans la rue, dans les endroits où je vais et il faut savoir que les endroits où je vais sont extrêmement éclectiques. Je peux passer à une petite fête avec des lolitas avec un petit côté niais et en même temps étrange, puis aller dans un bar SM où il y a vraiment des choses très SM qui se passent, après je peux avoir une discussion politique avec des papis dans un vieux quartier du Japon et ainsi de suite... C'est tout cela qui m'inspire.
À chaque fois que je vais quelque part, que je rencontre un nouveau phénomène, deux mois après, la nouvelle soirée est sur ce phénomène-là. C'est pour cela qu'au Japon, on a toutes ces « spéciales ». Je pense que dans les phénomènes de ces dernières années, il y a eu la Tecktonik. Les phénomènes actuels, ce sont les phénomènes du Japon qui débarquent en Europe ! Ils ne sont d’ailleurs pas encore assimilés par les télévisions françaises et les médias français, donc cela reste underground sans le vouloir.
S: Pour terminer, on sait qu'il y a un livre Tokyo Decadance qui sort, que va-t-il se passer dans l'avenir?
A: A l'heure actuelle, on est en train de commercialiser le premier livre des Tokyo Decadance, d'autres produits sont en prévision dont le CD Tokyo Decadance. Ce sera peut-être deux CD séparés: un mix de Sisen plus un CD qui regroupe toutes les personnes qui interviennent dans les soirées Tokyo Decadance, ou qui vont intervenir dans l'avenir, peut-être même de gros noms d’artistes. Il y a aussi un manga et un dessin animé qui sont en prévision mais cela mettra plus de temps.
Et surtout, on est en train de préparer la nouvelle soirée Tokyo Decadance du mois d'octobre, on mise beaucoup dessus. Cela fait déjà un an que l'on y travaille, on en parle très peu, même Sisen n'est pas au courant de tout. Je peux annoncer que l'endroit où on va le faire risque de surprendre les gens, qu'il risque de n'y avoir pas que des humains... Il risque d'y avoir des choses qui vous surprendront. J'ai envie de le dire mais …On me fait signe qu'il ne faut pas que je le dise... donc je ne le dis pas... mais j'ai envie! Je ne suis pas très patient...
Interview réalisée par Stéphane Hervé - Photographe
Plus d'informations : www.tokyodecadance.fr
Ce livre rend un magnifique hommage aux soirées Tokyo Décadance, mais surtout à tous les performers faisant partis de la troupe puisque ce livre dépeind les différents portraits des protagonistes de la Tokyo Décadance. Chaque portrait raconte l'histoire du protagoniste et son style et ce en trois langues différentes : français, anglais et japonais, le tout accompagné de magnifiques photos. A la fin de ce livre, Adrien nous explique son but premier et le pourquoi de la création des soirées Tokyo Decadance. Pour ceux qui découvrivraient le monde Tokyo Decadance, ou tout simplement la culture japonaise, ne vous inquietez pas puisqu'un lexique reprend les différents termes particuliers à cette culture. Pour conclure le livre Tokyo Decadance : Le livre est un magnifique ouvrage permettant de faire découvrir toutes les tribus et les différents arts qui composent ces soirées. Les fans adoreront ce livre et les curieux découvriront avec grand plaisir les soirées Tokyo Decadance. Nous attendons avec impatience les autres produits dérivés Tokyo Décadance (mangas, animes, albums, ...) surtout s'ils sont tous de la même qualité que ce livre. Vous l'aurez compris Tokyo Decadance : Le livre est un très bel ouvrage à ne pas manquer.
Asia-Tik.com remercie RED TRACKS pour nous avoir fourni cet ouvrage.